Un mot sur les IA

Hé oui, il va y avoir sur ce site une section réservée aux IA, mais avouez qu’elle s’imposait, quand même, parce qu’après mes posts sur Facebook, tout le monde se demande probablement s’il ne faudrait pas un peu me détester en soutien pour les artistes, ou juste se désolidariser de mes posts pour ne pas se faire trop remarquer. Parce qu’il faut qu’on vous dise ce qu’il faut aimer où détester, avec qui il faut vous associer pour bien rester dans la norme officielle ou les normes marginales (parce qu’à l’évidence, même la marginalisation est normalisée), et ne pas se faire harceler ou isoler sur un réseau social. Les gens sont comme ça, on n’y peut rien. Tenez, on vous a bien fait avaler qu’il fallait soutenir les libraires pour soutenir la Culture (avec un grand Q) pendant les Années COVID. Hé bien la Culture, je n’en fais pas partie parce que mes productions sont en vente sur Amazon, mais pas en librairie. La Culture, c’est uniquement réservé aux membres de la Chaîne du Livre, la seule chaîne de vente d’objets en gros qui a su se démarquer des autres grâce à un bel habillage, et qui naturellement déteste le numérique et son système de vente d’objets digitaux à l’unité… Bon moi, j’aimerais bien vous dire qu’il faut soutenir les petits éditeurs, mais comme il n’y a aucun post partagé en masse sur les réseaux sociaux à ce sujet (vu qu’on n’a pas un rond à dépenser en campagnes publicitaires), à mon avis, ça doit être interdit de nous soutenir. Donc, dans le doute, ne nous soutenez pas, c’est plus sûr.

Concernant les IA, on subit tous à présent la même forme de propagande qu’un simple lecteur pendant le COVID qui s’inquiétait pour son sympathique libraire de proximité dont le pire ennemi, qui était autrefois représenté par les grandes chaînes de librairies est bizarrement devenu Amazon, le concurrent majeur de ces grandes chaînes de librairie… Avec l’avénement des IA et la propagande qui lui a vite été associée, les artistes qui débutent dans la profession, ceux qui sont dans la profession depuis longtemps mais n’arrivent pas trop à joindre les deux bouts, et autres artistes qui ont du mal à trouver leur place dans ce milieu impitoyable sont tous devenus aux yeux du public des Artistes de proximité. Et naturellement, je n’en fais pas partie non plus puisque je suis un scénariste en auto-édition. On n’est pas des artistes quand on est en auto-édition, juste des gens normaux qui éditent eux-mêmes leurs productions. On pourrait être n’importe qui, éditer n’importe quoi, et si aucun journaliste ne parle de nous, c’est probablement parce qu’on est un peu nuls, quelque part.

Comme je me suis accroché avec pas mal d’artistes au sujet des IA sur Facebook, j’en ai écrit une tartine dans mon article de blog sur mes 15 ans d’auto-édition. Le problème, c’est que je n’arrêtais pas de mettre à jour cet article, et ce qui fait l’intérêt d’un article de blog, c’est qu’il doit rester tel quel. Mettre à jour un article, c’est déjà pas très honnête, mais le mettre à jour continuellement, ça n’a plus aucun sens, donc j’ai voulu créer une page fixe que je mettrai à jour à loisir, et la voici. Vous y êtes. Et je vais probablement à terme l’inclure à un menu spécial IA parce que j’ai l’intention de créer plusieurs pages différentes sur ce même thème.

Dans l’article en question, j’avais commencé à parler de l’histoire de la création de mon livre Merci ChatGPT, une histoire qui a commencé avec ma discussion avec plusieurs auteurs de BD français et américains, à propos de mes posts d’images en IA sur mon mur Facebook que je trouvais intéressantes ou drôles (parce que je ne savais pas encore que l’IA était si controversée. Maintenant je le sais et je vous emmerde). Pour ceux qui continuent à lire ce texte, suite à ces partages d’images en IA, je me suis disputé avec des auteurs connus et moins connus (voire complètement inconnus, comme moi), et beaucoup d’entre eux ne m’ont pas donné l’occasion de leur répondre parce qu’ils se sont tout simplement déconnectés de mon compte (à priori parce que je suis vilain).

J’ai donc profité de mon article des 15 ans pour apporter mes réponses par l’intermédiaire de ce site, et me défouler un peu (et ça m’a fait le plus grand bien). Comme tous mes autres articles, il n’a probablement pas eu beaucoup de lecteurs, mais c’est normal parce que je ne dépense pas un rond pour la promotion de mes livres ou de ce site. Pour tout vous dire, je ne me fatigue même plus à rédiger et envoyer des dossiers de presse qui se perdent systématiquement dans la boîte à mails de tous les magazines et sites spécialisés, et ne sont pris en compte que par les sites de blogueurs passionnés de BD. En quinze ans, j’ai donc réussi à rester un inconnu et j’ai toujours très peu de lecteurs.

J’ai donc tout d’abord donné mon opinion sur cette hystérie à propos des IA dans l’article de blog des 15 ans du projet Rage, et comme je l’ai écrit plus haut, je me suis retrouvé à mettre à jour cet article avec chaque nouveau post populiste sur Facebook. Au bout d’un moment, je me suis dit que ce n’était pas très honnête de mettre à jour un article parce qu’il y a quand même une date dessus, et qu’un article est censé refléter mes opinions à cette date, donc j’ai créé cette page statique que je vais mettre à jour régulièrement. Ah merde, je l’ai déjà dit ça, je crois. Enfin, bon…

Pour créer cette page, j’ai tout simplement copié le texte de l’article des 15 ans et je l’ai collé à la suite de ce paragraphe. Je mettrai cette page à jour régulièrement, ce qui me permettra de laisser mes articles de blog intacts. Donc ce qui suit, c’est un texte que j’avais écrit il y a presque un an (à l’heure où j’écris ces lignes), revu, corrigé et augmenté de nombreux paragraphes supplémentaires.

C’est parti.

À la fin de l’année 2022, on a eu tout un battage sur les intelligences artificielles génératives, qui vont envoyer les vieux au chômage, et apporter du boulot aux jeunes qui y voient plein d’opportunités d’emploi (c’est le ressenti général quand on discute à la fois avec les jeunes et les vieux en festival).

Très concernés par l’idée de devoir gagner leur vie en faisant autre chose que dessiner, les artistes sont retournés à l’état sauvage et ont commencé à m’engueuler sur Facebook par post interposé avec des arguments de populistes qui peuvent se résumer par On nous prend tout et on nous donne rien et une hypocrisie lamentable, tout ça parce que je postais des images en IA que je trouvais plutôt réussies (enfin, de loin, parce qu’à l’époque, les IA génératives d’images ne savaient pas trop reproduire les mains, le texte et pas mal d’autres trucs).

Pour commencer, on m’a écrit c’est bourré d’erreurs… Quand on suit des ateliers aux Beaux Arts, on essaie de nous apprendre à carrément vénérer l’Erreur, mais là, tout à coup, la tendance a changé. Dire d’un logiciel qu’il ne faut pas l’utiliser parce qu’il comporte des erreurs comme si ces erreurs n’allaient jamais être corrigées, ça revient à prendre les gens pour des cons. Ça revient à faire de la propagande. Avec toute la propagande qu’on subit déjà dans les réseaux sociaux, on pourrait s’imaginer que les utilisateurs en tireraient des leçons, et le problème, c’est que c’est bien le cas. La leçon que tout le monde a l’air de retenir, c’est qu’on peut prendre les gens pour des cons et que ça marche. Du coup, au lieu d’essayer d’assainir le système, tout le monde se met à utiliser des techniques de communication de politicien pour ménagère de moins de cinquante ans dès qu’il a un message à faire passer… Libraires, éditeurs, auteurs… Tout le monde nous balance sa petite propagande personnalisée en amateur. Les images en IA sont effectivement bourrées d’erreurs, mais ça va évoluer. À l’heure où j’écris ces lignes, le texte sur une image en IA ressemble de moins en moins à un charabia illisible, et les mains peuvent enfin avoir cinq doigts. Sauf si vous essayez de générer une image d’Albert Uderzo. Là, il faudra six doigts. Mais je m’égare.

Concernant les IA, voici donc pèle-mêle les autres thèmes préférés des artistes, des bots, des espions en télétravail, des escrocs, des professionnels de la propagande populiste travaillant pour nos partis extrémistes ou les régimes autoritaires de pays étrangers, et autres avocats un peu trop jeunes et enthousiastes.

• J’ai lu que créer une image avec une IA, c’était du vol d’image, parce que si l’IA se sert d’un pixel de votre image pour créer une image complètement originale (je simplifie le processus, mais c’est à peu près l’idée), elle est obligé de la copier (puisque techniquement, une machine ne peut pas regarder sans copier, alors qu’un humain, si, alors lui ne vole pas…) Je ne vais même pas vous expliquer pourquoi je trouve ça complètement con. À ce sujet, notez qu’il est quand même difficile d’expliquer comment fonctionne une IA sans utiliser de terme relatifs à un être humain. J’ai essayé un jour, mais j’ai été repris à chaque mot avec des phrases du genre Non, une IA ne réfléchit pas, ce n’est pas un humain. Non elle ne s’inspire pas des images à sa disposition pour générer une image inédite, elle ne regarde pas ces images non plus pour les analyser parce qu’elle ne peut pas, ce n’est pas un humain. Bon OK, ce n’est pas un humain, mais c’est quand même difficile de trouver les mots pour décrire le fonctionnement de ces logiciels d’un genre nouveau.

• On m’a écrit aussi qu’une image générée par une IA, ce n’est pas de l’Art, comme si je devais en avoir quelque chose à foutre. Quand une image me plait, je ne me pose pas le genre de question qui préoccupe un milliardaire avant l’achat d’un Mondrian…

• J’ai également découvert à cette occasion un nouveau concept : le vol de style. Alors si un style pouvait être protégé dans le cadre des droits d’auteur, tous les artistes qui cèdent leurs droits d’auteurs (ceux qui travaillent pour Marvel ou DC par exemple) n’auraient plus le droit de travailler ailleurs (à moins d’arriver à changer radicalement leur style). Et ceux qui ont envie de copier leurs artistes préférés seraient bien emmerdés. Ça n’existe pas, le vol de style. Et même si c’était le cas, légalement, ce serait ingérable. À moins d’avoir envie de pouvoir porter plainte contre quelqu’un qui porte le même pull que vous dans la même soirée par exemple, cette notion de vol de style n’est à l’avantage de personne.

• De leur côté, les artistes ont découvert qu’ils pouvaient avoir une opinion sur ce qu’est un progrès, une évolution, et ce qui ne l’est pas, et en ont conclu que l’IA n’est pas un progrès ni une évolution. C’est même une régression. Il faut bien reconnaître que quand j’ai lu ça, hé bien j’y ai réfléchi. Je me suis posé la question. Et au bout d’un moment, j’en suis arrivé à la conclusion suivante : j’ai rien compris. Dans le doute, je propose qu’on brûle les ordinateurs comme autrefois on brûlait les livres, ce sera plus sûr.

• Quand le pic de cette propagande anti-IA sur les réseaux sociaux a été atteint, par coïncidence, on a appris la plainte collective de plusieurs auteurs, et toute la colère artificielle est retombée d’un coup. Il ne reste à présent plus que la colère réelle de nombreux artistes qui officiellement, exigent un dédommagement parce qu’ils ont été lésés. Et ils ont raison ces artistes. On a utilisé leurs images pour alimenter des IA sans même les prévenir, on ne leur a pas demandé leur autorisation, et s’ils l’avaient donnée, ça aurait été payant, donc ils peuvent légitimement penser qu’ils ont droit à un dédommagement. Incidentellement, les entreprises à l’origine des IA devraient même dédommager tout le monde, puisque même vos photos de vacances publiées sur un réseau social ont pu être utilisées pour alimenter une IA. Au vu du fonctionnement des IA, déterminer quelle partie de quelle image a été utilisée pour créer une image originale en IA est déjà un problème, mais il y a pire : quand on s’est inscrit à un réseau social comme Facebook par exemple, on a tous accepté que nos images appartiennent à Facebook, et tous les sites de partage d’images fonctionnent avec le même type de conditions générales que vous devez accepter pour avoir le droit de créer un compte. Légalement, ça signifie que toutes ces images ont été utilisées avec votre accord, et même si le règlement a évolué, il n’est probablement pas rétroactif. La question qui se pose, c’est Est-ce que les sociétés d’IA avaient bien l’accord des réseaux de partage d’images ? De tous les procès en cours sur le sujet, le seul qui me paraît viable est celui de Getty Images, une société dont le manque à gagner est réellement évident. Pour les autres procès, à mon avis, les artistes ne devraient pas s’attendre à des miracles… Et même en supposant que tous les procès aboutissent, les personnes lésées seront seulement dédommagées. Et après, hé bien… après, rien. Que voulez-vous qu’il arrive de plus ? Quelles sont les demandes réelles des artistes exactement ?

• À l’heure où j’écris ces lignes, les détracteurs des IA ont pris l’habitude de qualifier l’IA de logiciel de plagiat. Alors j’aimerais que tous ces gens sachent que je suis entièrement d’accord avec eux. Dans le même ordre d’idées, une trousse de peinture est un outil de plagiat si on se focalise uniquement sur le plagiat (et si vous n’avez pas assez de talent pour le plagiat, vous pouvez utiliser un appareil photo ou un scanner, deux outils de plagiat bien plus efficaces et rapides qu’une IA), les outils de sauvegarde en ligne comme WeTransfer et Dropbox sont des logiciels de piratage si on se focalise uniquement sur le piratage, une tronçonneuse est une arme dangereuse si on se focalise uniquement sur les films au cinéma, et un marteau et une perceuse sont des outils d’interrogatoire très efficaces pour votre tonton marseillais de la maffia. On touche là au principe même de la propagande : réduire la fonction d’un objet à une utilisation controversée pour générer une réponse émotionnelle directe. Ce sont des techniques de communication politique inventées dans la cour de récréation à la maternelle, et perfectionnées et affinées à mesure que vous atteignez l’âge adulte. Quand vous me dites qu’une IA est un logiciel de plagiat, évidemment, je vous crois parce que c’est vrai. Le problème, c’est que je me demande si vous me prenez pour un con, ou si vous êtes vous-mêmes complètement cons, parce que c’est un peu difficile pour moi de faire le tri entre les gens intelligents payés pour s’amuser avec des cons, et un simple con tout énervé qui a envie de marteler ses opinions primitives à coup de poing. Dans les deux cas, vous pouvez vous déconnecter de mon compte Facebook, c’est pas bien grave.

• On peut aussi citer cette artiste qui écrit qu’elle n’a pas besoin d’une IA pour dessiner, et qu’elle en aurait besoin uniquement pour faire les tâches ménagères afin d’avoir plus de temps pour dessiner. La copie d’écran de son post est régulièrement partagée par plein de gens et par des bots dans les réseaux sociaux, au même titre que la copie d’écran du post sur les IA comme logiciels de plagiat d’ailleurs. Il faut quand même citer ce post, parce qu’il ne caractérise pas seulement l’égoïsme et la sale mentalité de nombreux artistes, mais aussi de nombreux membres de la chaîne du livre en général. Faire les ménages, c’est aussi un métier. Si vos tâches ménagères sont prises en charge par des robots, effectivement, vous allez perdre moins de temps, mais il faut être conscient que ça va tuer de nombreux métiers. Des métiers dont vous vous foutez royalement, d’accord, mais des métiers quand même. Alors on comprend que vous ayez peur de vous faire grand-remplacer (ah merde, j’ai écrit le mot peur dans cette phrase. Ça va encore mal passer…) parce que pour beaucoup d’entre vous, c’est bien ce qui va arriver, mais vous n’êtes pas les seuls à être menacés. Pensez un peu aux autres au lieu de ne penser qu’à vous, et essayez de rester cohérents dans vos posts populistes, ça nous fera des vacances.

• Certains auteurs qui ont apparemment vécu leurs études de dessin comme des étudiants en médecine (c’était hyper-dur, on en a chié, et tout ça pour en arriver à se faire piquer son boulot par une machine qui s’occupe de tout en quelques secondes, etc.) ont sorti que les IA étaient en train de casser tout un marché : celui du petit dessinateur pas cher parce qu’il commence, à qui un éditeur donne une chance pour une couverture de disque ou de roman uniquement pour des raisons de budget. Donc, le résultat, c’est un dessin passable et pas cher, que le lecteur va payer au prix fort parce que ça ne va pas changer le prix du livre ou du disque résultant. Apprendre à travailler en étant payé, c’est très positif pour un artiste, et j’en parle à ma façon dans mon livre 10 ans de galère. Pour le client, c’est cheap quand même. Heureusement, il y a des solutions. Au lieu de servir aux éditeurs des dessins pas terribles pour pas trop cher, essayez de faire partie d’un studio et apprenez à dessiner en vous occupant des tâches ingrates qu’on vous donnera (la création de décors, l’encrage, la colorisation par aplats, etc.). Plus on développera les studios, plus on habituera les lecteurs à consommer des dessins de qualité au lieu de l’inverse. Parce que là, en ce moment, c’est plutôt l’inverse.

• Je vois passer quelques fois des posts sur le remplacement des doubleurs. Alors je suis d’accord : les théatreux qui s’occupent de doublage sont appelés à disparaitre. Vous n’allez pas y croire maintenant, mais les IA vont parvenir à reproduire des émotions dans leurs voix artificielles. Quand ça arrivera, vous allez oublier que je l’avais écrit en 2023 et vous trouverez ça normal, mais là, pour le moment, vous n’y croirez pas parce qu’on vous martèle que c’est impossible (et l’une des particularités des textes de propagande, c’est de coincer votre raisonnement dans le présent). En revanche, les théatreux, eux, ne vont pas être mis à jour pour arriver enfin à ajouter des émotions crédibles dans leurs voix naturelles. Quand ça arrive, ils ont tendance à se lancer dans une carrière d’acteur et à laisser leur place à de nouveaux théatreux, ce qui a pour effet de maintenir le doublage en général à un niveau de qualité… constant. Le doublage est la raison pour laquelle je regarde mes films uniquement en VO sous-titrée. Et puis franchement, ça ne vous tente pas vous, en tant que spectateur, d’écouter un acteur étranger parler français avec exactement le même timbre de voix et exactement les mêmes tonalités émotionnelles ? Moi je n’attends que ça.

• Je suis également tombé sur une accroche populiste typique en parcourant mon flux d’infos Facebook, qui se traduit par L’objectif sous-jacent de l’IA est de permettre aux riches d’accéder aux compétences tout en empêchant les compétents d’accéder à la richesse. Bon évidemment, via ce post, on essaie de récupérer politiquement la colère des artistes, et comme il s’agit d’un post américain, c’est probablement pour inciter à voter Trump. Déjà, vous n’avez pas besoin d’être riche pour accéder à une IA, les abonnements ne sont pas si chers, mais surtout, comme cette citation est en réalité une phrase-type, vous pouvez l’inverser : L’objectif sous-jacent des anti-IA est de permettre aux riches de conserver leurs acquis tout en empêchant les utilisateurs d’IA d’accéder à la richesse, ça marche aussi. En gros, ça voudrait dire que les artistes les plus riches veulent vous empêcher de produire des dessins d’une qualité équivalente aux leurs pour rester riches (ou vous maintenir dans la pauvreté, en fonction du degré de connerie de la personne qui lirait cette soi-disant citation). Ça permet de récupérer politiquement les utilisateurs américains d’IA… et c’est probablement aussi pour inciter à voter Trump…

• Pour en revenir à ma discussion sur Facebook, on m’a aussi écrit qu’il me fallait payer les auteurs pour les images que je partageais (à cause de ce fameux vol d’image dont je parle plus haut…) alors que je ne suis même pas à l’origine de leur création, et même si cette demande farfelue était légitime, elle me poserait quand même un problème, parce que si une image en IA est générée en quelques secondes à partir d’un million d’illustrations et de photos, même en donnant juste 1 euro à chaque auteur à l’origine d’un pixel de l’image (oui, je simplifie, bon…), ça ferait quand même un million d’euros… Du coup, si je partage dix images, ça fait dix millions… Je me demande comment les artistes ont l’intention de gérer cet afflux d’argent qui arrivera de tous les côtés, d’un point de vue comptable… 

• On m’a dit aussi qu’en partageant des images en IA, je faisais la promotion d’images volées. Alors c’est une vision du partage d’images très américaine, et c’était bien un américain qui m’en parlait. Sur les réseaux sociaux, effectivement, quand une image nous plait, on la partage, donc, on peut aussi prétendre qu’on en fait la promotion. Si je partage vos images, c’est gratuit. Vous ne me devez rien, et c’est avec plaisir. Si je partage des images que vous n’aimez pas, c’est inutile d’essayer de me culpabiliser ou d’inverser les rôles, je ne suis pas votre valet. Je ne travaille ni pour vous, ni pour les autres, et je ne vous dois rien. Si vous pensez réellement être lésés à propos de vos soi-disant images volées, et que vous estimez que c’est moi qui vous dois quelque chose au lieu de l’inverse, envoyez-moi déjà une facture détaillée, et on verra jusqu’où ça va aller.

• Parmi tous ces artistes connus et moins connus, une seule personne savait que je commande régulièrement les planches de mes BD aux artistes qui bossent pour moi, donc il a prétendu que je voulais utiliser les IA pour me passer d’artistes. Que répondre ? L’argent que je dépense pour mes projets provient de mes fonds propres, et mon entreprise est constamment déficitaire parce que mes dépenses sont supérieures à mes bénéfices. Si je suis devenu lettreur, c’est pour être plus à l’aise dans mon travail de scénariste, mais aussi pour dépenser moins. Je vais également essayer de devenir coloriste pour dépenser moins. Si un jour, par miracle, je deviens un dessinateur assez compétent pour dessiner mes propres séries, ça me permettra aussi de dépenser moins. Si de votre point de vue, ça signifie que j’ai l’intention de léser les gens qui bossent pour moi, félicitations, vous pouvez vous lancer dans la politique. Pour les IA, c’est pareil. Lorsqu’un jour j’aurai envie de tenter l’expérience de la création d’une BD dessinée en IA, je le ferai, et notez bien que ça dépend uniquement de l’évolution des IA. Si je pouvais créer une bonne partie de mes BD en IA, mes dépenses baisseraient, ma production augmenterait, et peut-être que mes bénéfices aussi, ce qui me permettrait d’être plus à l’aise financièrement pour rémunérer des artistes sur d’autres BD et leur donner ainsi la chance que je n’aurai probablement jamais. Ma situation n’est pas la même que celle de Marvel et DC. Ne me confondez pas avec un éditeur normal. Pour ce qui est du texte en revanche, je vais me servir d’IA pour mes recherches comme je me sers actuellement de Google dès que les IA seront fiables. Si je dépense autant, c’est parce que je n’arrête pas d’écrire et que j’ai envie de publier mes productions. Si j’avais besoin que quelqu’un écrive à ma place, j’aurais déjà payé un scénariste depuis longtemps.

• Ah, et on a aussi prétendu que je n’aime pas les artistes, ce qui me laisse un peu perplexe : je n’aime que mes amis. Certains sont artistes, d’autres non. Bizarrement, j’ai le même genre de conversation avec les racistes et les antisémites… Remplacez le mot Artistes par n’importe quel peuple, genre ou religion et vous allez comprendre.

La discussion a été intéressante, et m’a permis de communiquer avec des artistes très connus (les populistes qui gagnent une blinde) et des artistes pas connus du tout (populistes aussi, mais en moins riche) qui voulaient eux aussi participer au lynchage, et ça m’a conforté dans l’idée que ce n’est pas parce qu’un artiste est un génie que ce n’est pas aussi un parfait connard. Après, ça fait longtemps que j’ai appris à faire la différence entre les créateurs et leurs créations et à bien séparer les deux pour pouvoir apprécier une œuvre sans réfléchir à la mentalité de la personne qui l’a créée.

Pour en revenir à mon dernier livre et au monde merveilleux de l’édition, profitant de l’avénement de ChatGPT, les agrégateurs opportunistes habituels qu’on voit trainer sur Amazon ont upgradé leur proposition d’édition aux écrivains amateurs : suivez un tutoriel gratuit pour créer votre livre sur ChatGPT sans avoir à l’écrire, et on se charge de vous le publier moyennant finance… Evidemment, tous les grands éditeurs étaient scandalisés par cet afflux de nouveaux livres, et au lieu de gémir à cause de la présence sur Amazon de gens comme moi (qui essaient de s’éditer sans eux), se sont mis à gémir à cause de cette inondation de livres mal écrits (et parfois complètement hilarants) publiés sur Amazon. Comme de nombreux escrocs à deux balles leur envoyaient aussi des manuscrits écrits par ChatGPT, certains éditeurs ont annoncé qu’ils allaient arrêter de recruter de nouveaux auteurs pour ne plus avoir à lire tous ces manuscrits mal écrits. Bref, les éditeurs gémissent comme d’habitude, mais s’ils peuvent se passer de nouveaux auteurs, c’est qu’ils vont quand même plutôt bien…

De mon côté, j’ai vu passer sur Facebook des copies d’écran de questions absurdes posées à ChatGPT, qui répondait n’importe quoi avec un sérieux inébranlable, et j’ai commencé à m’y mettre aussi. Je me suis tellement marré en discutant avec cette IA, que j’ai monté un nouveau livre, sobrement intitulé Merci ChatGPT, qui compile toutes les questions qui me sont venues à l’idée suivies par les réponses de clown triste de ChatGPT, et j’en ai fait une exclusivité Amazon (sans passer par un agrégateur, parce que je peux me débrouiller seul pour éditer mes livres).

Voilà, vous savez tout sur l’histoire de mon nouveau livre, et putain, que ça fait du bien de se défouler !

Ceci dit, si vous voulez tout savoir sur mes rapports avec les intelligences artificielles (à part mes discussions farfelues avec ChatGPT), je n’en utilise pas pour le moment, même si je continue à partager les images les plus amusantes ou intéressantes. À l’évidence, les IA vont entraîner une mutation de la société et de l’emploi, mais si ça peut nous débarrasser de tout un paquet de connards d’employés administratifs travaillant dans le privé avec une mentalité de fonctionnaire et d’artistes sous-doués qui travaillent dans le milieu uniquement parce qu’ils ont eu de la chance et nous pourrissent le monde de la BD et du cinéma, je ne suis pas contre. Et je ne vois pas pourquoi tous ces artistes s’attendraient à un soutien de la part des auto-éditeurs (qui ne sont pas de vrais artistes ni de vrais éditeurs, et n’ont qu’à fermer leur gueule pour avoir une chance de travailler chez les grands) ou de simples clients (qui n’existent que pour acheter et fermer leur gueule). 

Ça fait maintenant 15 ans que j’essaie de surnager dans le monde merveilleux de la BD, et aucun de ces artistes qui gagnent une blinde et se plaignent constamment n’est venu spontanément me demander de travailler avec lui. C’est normal parce qu’il ne faut pas rêver. Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes. Les artistes qui gagnent une blinde ne travaillent pas avec des inconnus. Ils travaillent avec les scénaristes connus pour avoir l’assurance qu’ils écrivent réellement bien (et si vous ne comprenez pas cette partie de la phrase, lisez 10 ans de galère), mais surtout parce que travailler avec un scénariste connu, c’est une chance supplémentaire d’augmenter les ventes et donc les revenus. On comprend comment ça fonctionne. C’est normal. Mais en retour, ne demandez pas aux gens comme moi de spontanément vous soutenir quand vous vous retrouvez dans la merde. C’est le même principe que ce qu’on appelle l’intégration. Quand vous vous retrouvez avec une population croissante d’auto-éditeurs dont la présence vous gêne, c’est tout naturel de leur demander de s’intégrer au système ou de dégager, mais c’est aussi à vous de les intégrer au lieu d’essayer de les maintenir constamment à l’écart, ne serait-ce que pour éviter les frictions.

Aux questions que tout le monde se pose probablement au sujet des IA (est-ce je devrais être pour ou contre les IA ? Quelle opinion est la plus tendance ? Quel camp dois-je choisir pour ne pas m’exposer à du mépris ou des menaces ?), je dois bien reconnaître que je n’ai pas de réponse, mais ça m’arrive souvent avec les questions qui n’ont aucun sens. Beaucoup de gens ont essayé de comparer les IA à d’autres technologies pour expliquer leur opinion sur ce sujet controversé. On a comparé l’utilisation d’une IA à celle des anciennes versions de Photoshop par exemple ou de l’informatique en général, on essaie de comparer ce qu’on estime techniquement comparable. Moi non. J’ai plutôt tendance à comparer les IA à des objets communs qu’on a pris l’habitude d’utiliser, comme les verres de fabrication moderne par exemple. Quand j’ai un simple verre sous les yeux, je sais qu’il a été fabriqué en usine par des machines qui ont copié le savoir-faire des souffleurs de verre. En conséquence, le métier de souffleur de verre est devenu très marginal. C’est regrettable, mais inévitable. Et c’est tout. Je ne vais pas boycotter les verres fabriqués en usine, ni dépenser une fortune en verres pour soutenir les souffleurs de verre, et je n’arrive même pas à concevoir qu’on puisse me le demander. On est vos clients, pas vos parents. On n’est ni spécialement pour, ni spécialement contre les IA. La majorité silencieuse (les gens comme moi donc, parce que vous ne trouverez pas mon opinion sur des chaînes ou des sites d’informations) n’est pas polarisée. Elle s’en fout, et c’est tout. On est tous conscients que les artistes qui travaillent dans des systèmes de production ou d’édition profondément capitalistes (les artistes qui gagnent une blinde donc) sont les plus menacés. Ceux qui travaillent chez des éditeurs plus classiques le sont beaucoup moins, mais leur métier n’existera peut-être plus pour les générations à venir. Comme les nouvelles générations n’auront pas connu ce métier, il ne leur manquera pas. Ne confondez pas quelqu’un qui s’en fout avec quelqu’un qui est pour ou contre. On utilisera des IA si elles nous simplifient la vie, et si ce n’est pas le cas, on ne les utilisera pas. On n’a vraiment aucune autre motivation, et la dernière chose à faire, c’est nous sensibiliser à vos problèmes en vous foutant complètement des problèmes des autres.

Pour en revenir au présent, comme je suis ce qu’on appelle (affectueusement…) un Apple Maniac, après avoir assisté à la Keynote d’Apple de 2024, j’attends à présent qu’Apple Intelligence soit intégrée à mon Mac M1 en 2025 pour avoir la vie un peu plus facile. Concernant mes applications graphiques, suite à l’achat par Canva de Serif, l’éditeur des logiciels Affinity, j’attends l’intégration éventuelle de l’IA de Canva aux applications Affinity. Et de là, comme un peu tout le monde, je deviendrai utilisateur d’IA.

Et comme je n’arrête pas de répéter à certains de mes collègues en festival que lorsque j’utiliserai des IA, je n’en ferai pas un secret, je profiterai de l’occasion pour créer sur ce site toute une section consacrée à mon utilisation des IA.

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